. What you waiting for ? .
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Parfois, je me dis que ce n’est plus la peine de se battre. Que je devrais simplement prendre une souris, cliquer sur toutes les croix que je vois, et en finir, avec toutes ces amitiés étranges et dissoutes que j’entretiens. C’est comme observer un fil en charpie, qui ne tient qu’avec un infime lien. Si tu n’as rien sous la main, ni fil de fer, ni fil de nylon, tu es face à deux choix : regarder le fil se tendre, de plus en plus, jusqu’à ce que les deux brins brisés se retrouvent dans ta main, soit le couper directement. Tu n’es pas patiente, tu es pressée, trop pressée, et tu en as marre d’attendre que quelque chose, du fer, tombe devant tes yeux. Pour continuer sur ma stupide métaphore filée, il y a comme qui dirait une pénurie de fer, en ce moment. Je n’ai plus le courage d’entretenir des liens trop fragiles. Je suis usée. Autant de mes caprices que des vôtres. Parfois, un regain de fierté, j’envoie des messages, demande des nouvelles, et réciproquement, mais plus rien ne nous lie vraiment. A part une adhésion au groupe d’amis d’untel sur Facebook, que faire de plus ? Je vois mes amis d’enfance grandir sans moi, loin de moi, et ce n’est pas plus mal. Et ces amitiés d’internet, que je croyais impérissables, car virtuelles… Elles me font rire, oui. Elles me font rire jaune, néanmoins.
Je hais l’adolescence. Je déteste le changement. Changement ne peut être qu’un synonyme d’éloignement. De votre éloignement par rapport à moi. Et si je reste ? Et si je continue d'avoir les mêmes centres d’intérêts, presque du fanatisme, à vrai dire, mais quelque chose de vrai, qui m’aide à vivre ? C’est que je suis encore une enfant ? Est-il vraiment nécessaire de changer ? Je ne crois pas. Je change, tout de même, tout en restant la même petite fille qui a peur de la cave, de l’obscurité, des orages et des araignées. Que faire, dans ce cas ? Me forcer à m’habituer à votre éloignement, quitte à subir votre délicieuse froideur ? Prendre des ciseaux et couper tout ce qui s’abime ? Ça ressemble déjà plus à mon caractère. Alors leurs « Prenez de ses nouvelles sur Facebook ! » et les contacts de mon répertoire qui ne signifient plus rien qu’une vague indifférence de ma part.
Vous voyez, si seulement les lapins étaient sages… Je pourrais les nourrir gentiment, jour après jour… Oh, bien sûr, ils ne communiquent pas entre eux, mais je pensais qu’ils étaient heureux comme ça… Leur installer une autre porte que celle qui donne vers moi m’ennuie profondément, pire, m’irrite, me met en colère, me panique, mais… Qu’ils s’enfuient, qu’ils s’enfuient, je l’aurais bien mérité. On n’enferme pas des gens comme on enferme des lapins dans des cages. Quel dommage. Expliquer ce sentiment est trop fatigant, trop douloureux. Je voudrais vous crier de ne pas vous lier entre vous, que vous m’appartenez, que vous n’avez pas le droit de me faire ça, de me supprimer en tant qu’intermédiaire. Je ne vis plus, alors ? Je n’existe plus pour vous ? Quelles autres histoires allez-vous vous raconter entre vous, quelles histoires que je ne sais pas ? Qu’allez-vous faire, si je suis malheureuse de votre amitié ? Laissez passer. Ignorez-moi. C’est la meilleure des solutions, et ça me confortera dans ma petite douleur d’inexistence. Il faut juste que je m’habitue au changement. Une mauvaise période s’annonce. Je m’arme de mes ciseaux, prenez garde à vos oreilles.
Je ne deviendrai ni un lion, ni un enfant, ni un oiseau. Je ne serai jamais un esprit pur, je ne volerai jamais au-dessus de vous, fière comme un aigle et gracieuse comme un cygne. Je resterai un chameau, je crois. Quelle tristesse d’avoir deux bosses, au lieu de deux ailes. Quelle tristesse de n’avoir que les bagages des souvenirs douloureux sur son dos, quelle tristesse de redonner du poids aux personnes que je voudrais chérir plus que mes propres parents ? Quelle tristesse.
Fin de partie, j’ai perdu, j’abandonne le jeu. Je n’ai jamais été une bonne joueuse, je suis même très mauvaise perdante. Mais maintenant que je suis embourbée dans mes mensonges plus gros les uns que les autres, je n’ai plus rien de scrupuleux, alors autant me mettre en colère. Je ne m’émeus plus quand on m’annonce des morts, je ferme les yeux sur les pistons des concours. Elle a bien changé, la petite demoiselle de troisième, qui se rendait malade au moindre mensonge. Elle est loin, maintenant.
Je change, moi aussi. Sans l’accepter. Mon corps ne change pas, mes cernes s’allongent et ma vue baisse. C’est donc comme ça que l’on vieillit… Bientôt, je serai tatouée, je ferai grandir mon petit corps à ma façon. J’espère perdre mes deux bosses. Réaliser mes rêves, avec « mon culot et mon talent ». On verra.
Et peut-être qu’un jour, les murs s’effondreront d’eux-mêmes. Trop mal entretenu, mon clapier tombera en morceaux. Ou peut-être que c’est moi, le lapin en cage. Donnez-moi une lime, un lance-flammes, qu’importe. Mes deux bosses ne passeraient pas à travers les barreaux, pour l’instant.
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