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. A MOTH UNDER THE SKIN .
6 juin 2010

. Your Quiet Heartbeats Shine Like Millions .

MYV

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Il est l’heure de se remettre en question. Bien sûr, je te vois suffoquer, je te vois te tordre de douleur, allongée sur tes principes vulgaires et masochistes. Je te vois t’accrocher comme une perdue à tout ce qui te constitue, à crier au scandale, au mensonge, à toutes ces choses qui t’arrivent, que tu n’attendais plus. Tu n’y crois plus. Cette entrée dans cette école, que tu voulais à en avoir mal au ventre. Tu voulais les murs gris, le sol rouge, les arcs, la cour aux performances, le joli café, la coquette bibliothèque, le sol vert, les laboratoires de photographie, les salles de cours, l’amphithéâtre. Tu as enduré le concours, tu t’en es sortie. Tu ne sais pas si c’est de justesse, ou brillamment. Tu t’es surpassée, pour l’impressionner, pour te sentir fière, enfin, de ce que tu es. Alors qu’est-ce qui t’arrives, là ? Décris-moi tout ça. Démêle ces mots que tu as tendrement scellés. Dis-les.

Je suis nulle, idiote, je ne parviens à rien. C’était bien beau, de te dire ça, tout ce temps, inlassablement, d’abord pour rire, ensuite pour te contraindre au malheur, pour ne plus t’étonner de tes échecs. C’était très intelligent, oui, tellement intelligent que toutes tes merveilleuses pensées se sont gravées en toi, te marquent au fer rouge pour mieux te faire sentir la douleur du courage.

Mais tu t’es dit, puisque tu es à mes côtés, tout ira bien, n’est-ce pas ? Alors tu as passé l’écrit, tu as disserté sur l’image, tu as ensuite détourné le clapier à lapins pour en faire celui d’humains, tu as construit ton dossier sur une chanson qui te tenait tellement, tellement à cœur… Tu n’as pas tout donné, dans ce travail. Tu as laissé clairement s’exprimer ta flemmardise, ta panique monstre. Tu es passée à l’oral, tu avais fière allure dans tes Doc’s qui te ruinaient les pieds. Jambes gainées de violet, robe courte, tu te pavanais sous la pluie ? Non. Tu te répétais des formules pour que tout aille mieux, tu priais tes idoles, tu invoquais la chance, n’importe quoi. Tu maudissais ton cœur qui battait si fort, tu rangeais tes planches, sous le regard insondable de ta voisine de gauche. Légère condescendance. Et ensuite ? Dis-moi.

Sa voix et tout allait mieux, soudainement. Tous tes doutes disparaissaient, tu baissais la voix pour que la condescendante ne t’entende pas, ta voix tremblait mais ça allait. Puis ? Ton nom. L’homme t’appelait, avec un petit sourire amusé, avenant. Ils avaient l’air de te trouver mignonne, tous les quatre. La jeune femme blonde t’aida à mettre tes planches sur l’unique table, tu balbutiais des remerciements tout en essayant de répondre correctement aux questions des trois autres, qui fusaient inlassablement. Tu faisais des erreurs attendrissantes, du moins tu l’espérais, ils riaient, tu te reprenais et ils jouaient le jeu de l’intérêt. Te donnaient des références, te demandaient d’expliciter telle ou telle photo, telle ou telle démarche. Tu hochais la tête, t’efforçais de répondre le plus clairement possible, de regarder droit dans les yeux ton interlocuteur, tu souriais, je souriais, je souriais. Pour donner le change, pour ne pas claquer des dents, pour t’aider à gonfler la poitrine. Et…

Tu n’avais pas le sentiment d’avoir raté. Tu avais accompli quelque chose, c’était certain, comme si une case vide se remplissait de courage, de volonté. Toi qui voulais passer ce concours « pour voir », « pour essayer », tu te surprenais à désirer la réussite. A la redouter, mais à la désirer si fort, à ne plus penser qu’à ça, le 2 juin, le 2 juin, les résultats…

Arrête-toi là. Reprends ton souffle. Bois un peu, respire calmement. Maintenant, je veux entendre clairement, concrètement le résultat de tes maigres efforts et de ton immense stress. Dis-le. Ça t’aidera, tu le sais bien. J’ai réussi. J’ai réussi. J’y entre l’année prochaine. Ces 95 autres noms sont mes nouveaux camarades. J’assisterai à des conférences de tout type. Je ferai de la fonderie, des sculptures, du dessin, de la peinture, tout ce qui me tombera sous la main. Je croquerai les informations, les gens, ton corps nu. Ah, nous y voilà. Avant, tu ne pouvais pas le faire, c’est ça ? Être curieuse… Tu roucoulais en donnant quelques noms d’expositions que tu avais vues, mais sans plus, n’est-ce pas ? Tu as de la chance d’avoir réussi avec un si petit bagage de connaissances. Maintenant que tu as compris cela, tu vas pouvoir t’intéresser à tout, n’est-ce pas ? Ça ne sera pas inutile. Dis-le, dis-le ! Oui.

Dis-le, que tu es heureuse. Tu ne peux pas t’empêcher d’y penser. Tous les quarts d’heure, tu vas vérifier que ton nom est toujours sur la liste, qu’ils ne t’ont pas supprimée. Il est toujours là, n’est-ce pas ? Oui… Dis-le. … Quand je ferme les yeux, que je ne pense plus au BAC, j’ai ce sentiment d’immense bonheur qui m’envahit, oui. Mais… ? Mais maintenant, je ne dois pas échouer. Encore ce mot ! Echouer ! Comme si tu allais te permettre d’échouer ! Réussir t’effraie bien plus, hein ? Mais pourquoi ? Pourquoi ! Parce que je dois me remettre en question. Je dois cesser dès maintenant mon matraquage malsain.

Une dernière fois, dis-le. J’ai réussi. Merci.

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the_gazette_7381

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Commentaires
Z
Encore. Bravo.<br /> Tu l'as bien mérité.<br /> Chapeau.<br /> ♥
. A MOTH UNDER THE SKIN .
  • " C'est comme un trou noir, et vous allez voir, ça va nous sauter à la gueule. Les gens ne savent pas ce que c'est, la folie. C’est terrible. C’est ce qu’il y a de plus terrible au monde. '' Emmanuel Carrère – L’Adversaire.
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